La mort vous va si bien

En Angleterre, on les appelle les Crazy Coffins . Des cercueils fous! Un surnom imaginé par le tabloïd The Sun, qui les expose régulièrement en page 3, à côté de l’incontournable pin-up dénudée. Ces coffres en bois sont «tout sauf une boîte hexagonale de six planches». Dixit Olivier François, conservateur du Musée comtois de Besançon, qui expose originaux et répliques exactes. «Et le phénomène prend de l’ampleur. Il n’est pas l’affaire de quelques farfelus.» L’histoire débute au Ghana, en 1957, année de l’indépendance. Ata Owoo, menuisier, dessine un palanquin en forme d’aigle – en l’honneur du dieu Sakumo – pour le chef de son village décédé. Rapidement, les cercueils figuratifs deviennent une institution au Ghana. Les galeristes occidentaux s’y intéressent aussi de près…
Vers l’Angleterre En 1999, Erimore, retraitée écossaise, voit une émission de la BBC consacrée au sujet ghanéen. Elle commande alors un cercueil en forme d’avion des Red Arrows, la patrouille d’Angleterre. «Alors que les Portugais ont introduit les rites funéraires européens en Afrique au XVe siècle, sourit le spécialiste Thierry Secretan, ce sont les Anglais qui adoptent l’idée du cercueil figuratif ghanéen.» Pourtant, il y a une différence énorme entre les deux conceptions: jamais personne au Ghana ne commande son cercueil de son vivant. Ce sont les proches qui se cotisent pour le lui faire fabriquer. En adéquation avec sa fonction ou sa profession. Une vache pour un éleveur de bétail, un sac de farine pour les boulangères, un DC 10 pour les hommes d’affaires internationaux, un poisson pour les pêcheurs. En Grande-Bretagne, ce sont les futurs défunts eux-mêmes ou leur famille qui font fabriquer leur dernière boîte. «Nos clients sont très fiers, témoigne Douglas Gill, de la société Vic Fearn & Company, à Noting- ham, qui possède le quasi-monopole de cette activité. Ils arrivent avec une idée très précise de ce qu’ils veulent, avec des croquis. Nous ne faisons qu’exécuter leurs envies.»
En train et en drakkar Un chausson de danse pour cette professeure de musique; une benne à ordures pour cet entrepreneur en bâtiment; un sac de golf Vuitton pour ce fana de la petite balle blanche; un wagon de l’Orient-Express avec des amis qui saluent par la fenêtre pour cet amoureux du trajet Paris-Vienne-Istanbul. «Nous construisons actuellement un drakkar norvégien pour une personne certaine de descendre des Vikings, raconte Douglas Gill. Ou encore Bourriquet, l’âne de Winnie l’ourson.» Beaucoup d’humour pour des personnes qui n’hésitent pas à dépenser entre 1200 et 6000 francs. Mais aussi une vraie volonté de redonner «un certain faste à des cérémonies funéraires qui sont devenues bien ternes». Et des parents, comme cette mère d’un enfant condamné, qui refusait que son fils soit enterré «dans une petite boîte horrible qui ressemble à celle des vieux». Paroles d’humains, finalement, qui rendent cette exposition si touchant e. «Fabuleux cercueils du Ghana et d’Angleterre» , Musée comtois, Citadelle de Besançon (F), jusqu’au 4 septembre.